Il faut permettre aux centres d’hébergement de bénéficier des précieuses compétences des aides à domicile, dont la journée du 17 mars salue l’investissement et le caractère indispensable. Femmes dites de l’ombre, elles deviendront des lucioles pour tous nos ainés en situation de précarité.
Selon l’Observatoire des inégalités, en 2024, près de 200 000 personnes dorment ou vivent en centre d’hébergement d’urgence parce qu’elles n’ont pas de domicile fixe. Parmi elles 9% ont 50 ans et plus et leur espérance de vie est très largement inférieure à celle de la moyenne française. Si la grande pauvreté accélère le vieillissement, elle rend aussi plus fréquemment malade. Maladies chroniques, insuffisance rénale, hypertension, diabète, obésité, troubles psychologiques, ces maux de la misère fragilisent et requièrent des attentions particulières.
Pourtant, les personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence ou de stabilisation vieillissent dans des bâtiments non adaptés et encadrés la plupart du temps par des professionnels non formés aux spécificités de la maladie et aux conséquences du vieillissement. Ces travailleurs sociaux sont dépourvus de compétences médico-sociales.
Les moyens financiers attribués aux associations ne prennent pas en considération l’évolution démographique du peuplement de ces structures réservées aux plus pauvres. Ils se concentrent sur le simple toit, l’alimentation et l’accompagnement social. Cela ne suffit pas.
« Bien vieillir », atteindre cette ambition de dignité et de paisible longévité portée au plus haut de l’Etat par Aurore Bergé le 17 novembre 2023, doit être accessible à toutes et tous, y compris à celles et ceux qui n’ont tout simplement pas les moyens de se soigner, ni d’être soignés et qui peuvent, compte-tenu de leurs faibles moyens financiers ou de leur situation administrative difficilement accéder aux établissements spécialisés, telles que les EHPAD.
Pour cela, il est nécessaire d’adapter les structures d’accueil aux difficultés rencontrées par les personnes âgées en situation de précarité en adaptant par exemple les chambres avec des barres de redressement dans les sanitaires, en privilégiant les douches à l’italienne et les sols antidérapants dans les pièces humides, en choisissant du mobilier adapté, en donnant la part belle aux espaces collectifs.
En sus, l’accompagnement actuellement proposé à la personne âgée en situation de précarité nécessite d’être complété. Avec le temps qui passe, le vieux pauvre pour ne pas devenir un pauvre vieux a besoin comme tout un chacun d’être aidé dans les gestes de la vie quotidienne et de vivre en société pour subsister. Prendre sa toilette, se sustenter ne sont pas toujours choses aisées. Pour se mettre en mouvement et être en relation, la stimulation est indispensable. Ces gestes ne doivent être posés que par du personnel qualifié, habitué à intervenir auprès de ce public dit vieillissant. Les travailleurs sociaux ne sont pas, répétons-le, des professionnels du soin ; leurs savoir-faire ne suffisent pas à faire face aux besoins spécifiques liés à la perte d’autonomie des personnes en situation de précarité. Ils ont besoin d’être enrichis par un personnel qualifié et spécialisé : auxiliaires de vie, aides- soignantes et aides à domicile, autant de compétences indispensables à une prise en charge respectueuse et adaptée et pourtant absentes de ces structures réservées aux plus démunis.
Il faut ainsi renforcer les équipes déjà en place en complétant l’accompagnement social par le soin et pour cela obtenir de nouveaux financements publics.
Un renfort de bénévoles, amoureux d’une société du care, du fragile est également préconisé pour accompagner ce public souvent très isolé. Une présence continue et quotidienne permettra de combler cette solitude et de recréer du lien auprès de ces personnes qui vieillissent plus vite que les autres et qui se replient fréquemment sur elles-mêmes.
Le bien vieillir ne doit pas être réservé aux plus riches, mais bien apparaître comme un objectif inconditionnel. L’aveu d’un bien vieillir qu’on partage est un trait de lumière qui porte un nouveau jour dans nos idées sur la solidarité et l’humanité.
Tribune écrite par Aurélie, El Hassak-Marzorati, Directrice Générale du CASP pour Le Monde.