Aaron, accueilli à La Maison dans la rue

Aaron - Accueilli à La Maison dans la rue

Des diplômes, un fils, des projets et « une vie qui n’est pas telle qu’elle aurait pu être 

Aaron quitte sa famille et sa métropole natale pour passer un bac+5 dans le domaine de la communication. Les hommes font des projets et les dieux rient, dit le proverbe : à son arrivée, les portes des universités qu’il vise restent closes, hasard de calendrier pour l’une, formation annulée pour l’autre. 

Aaron avise et se glisse dans l’existence de Monsieur Tout-le-monde-oupresque : des diplômes, un toit, un Nous, deux ou trois rêves mis de côté pour exercer un travail qui, à défaut de combler ses aspirations, remplit son compte en banque et son frigidaire. La vie s’écoule ainsi, jusqu’à ce qu’une opportunité professionnelle s’offre à lui. Il démissionne de son poste pour la saisir, elle s’évapore. 

Voici Aaron suspendu dans le vide, sans travail, sans revenus : il lui manque un avis d’imposition, léger comme un document A3, dont la disparition, lourde de conséquences, l’empêche de toucher le RSA. Il perd le contrôle et son appartement, garde le silence. Sa famille, ses amis ignorent ce qu’il traverse, tout comme la femme qu’il quitte pour lui cacher sa chute. La descente commence : la première nuit dans la rue, puis les autres. 

Loin de son île, Aaron s’efforce de ne pas sombrer dans cette autre île, l’Île-de-France où, selon ses dires, il a vécu des expériences auxquelles rien ne l’avait préparé. Rien. Il en reste une douleur étonnée au fond de ses yeux que l’on a du mal à croiser, comme s’ils demeuraient figés sur d’indicibles expériences. 

Parfois il remonte à la surface, reprend son souffle, retrouve la rive, un poste ou l’amour, les reperd. Une nouvelle vague de doutes, d’angoisses et de honte le submerge. Il coule, remonte, chaque fois un peu moins bien, chaque fois un peu plus bas. Il décide de retraverser l’Océan, mais la vie renverse encore ses plans avec la venue d’un enfant. Quelques années passent, son frère lui propose un travail. À son retour, personne ne l’attend : sa compagne est partie avec un autre. Et avec leur enfant. Il les cherche inlassablement, les retrouve bien plus tard, quand son fils répond à sa mère : « Pour mon anniversaire ? Je veux parler à mon père. » 

Perdu au milieu de ses pensées (où dormir ? que manger ?) et d’une foule toujours pressée d’aller travailler, s’aimer ou s’amuser, Aaron découvre le CASP, notamment La Maison dans la rue qui offre à ceux qui passent la nuit dehors, la chaleur d’un café, d’une soupe ou d’un sourire, l’usage de douches et de machines à laver, des encouragements pour garder le cap et sa dignité lorsque l’on se sent dériver. Davantage qu’un rivage où se poser, le CASP accompagne ceux qui souhaitent réaliser des projets. Celui d’Aaron est clair : retrouver une porte dont il aura la clef, un travail rémunéré, une garde alternée. Les premières pierres de son rêve sont d’ores-et-déjà posées : il vient de trouver un appartement, tout près de la ville où vit désormais son enfant.

Les voix du CASP