Lettre rédigée à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés par Aurélie El Hassak-Marzorati, directrice générale du CASP :
Chère Nohoro,
Je me souviens de votre récit. J’ai été impressionnée par votre force de travail, votre abnégation et votre ténacité. Quelle mère courage-commerçante étiez-vous en Côte d’Ivoire avant d’arriver ici ! Vos deux fils étaient restés au pays, comme on dit. Seule votre fille Notin avait fait le voyage avec vous. Vous racontiez sans cesse, avec un regret dissimulé vos journées sur les routes en direction de Seguela pour vendre de lourds et encombrants sacs de riz. Notin, du haut de ses 5 ans, racontait les routes sablonneuses et son univers rempli d’histoires abracadabrantesques, inventées avec son frère, pendant qu’ils chevauchaient une moto en plastique toute déglinguée. Oui, mais voilà, parce qu’au pays du Mont Nimba, plus d’un tiers des Ivoiriennes sont excisées, parce que vous, Nohoro, avez subi cette pratique dégradante, dangereuse et interdite, vous avez décidé de refuser ce cycle infernal, de dire non à la mutilation de votre fille et de chercher protection en France.
Cher Lidia, Cher Merhawi,
Je me souviens de votre envie de crier votre colère partagée contre le régime érythréen, vos souvenirs sucrés de Zigni au parfum de berbéré, de beignets onctueux et de thé brulant. Merhawi vous racontiez votre passé militaire, détaché au ramassage de bois. Vous avez décidé de fuir, de sortir de l’ornière en laissant derrière vous les visages de vos intimes connaissances. Lidia, cachée entre les murs, empêchée de se mêler aux autres, vivant dans la terreur des bombes était déjà parti depuis plusieurs mois. Vous ne vous connaissiez pas. C’est au Soudan que vous vous êtes serrés les coudes pour la première fois, puis sans vous retourner, plus tard, vous vous êtes serrés dans les bras, aimés sur les routes de l’exil. Arrivés en France depuis 6 mois, malgré la puissance de votre union, vous n’arrivez pas à dormir. Hantés par ce sentiment d’abandon, vous ne vous donnez pas le droit au repos et, malgré tous vos tourments, faites de l’apprentissage de la langue française une aspiration immédiate.
Chère Nohoro, chère Lidia, cher Merhahi, chers demandeurs de refuges, vos histoires sont toutes uniques et sensibles. Vous qui avez perdu votre foyer, votre familiarité à la vie quotidienne. Vous qui avez « perdu votre travail, le sentiment d’être utile, votre langue, le naturel de vos réactions et l’expression spontanée de vos sentiments », les salariés et les bénévoles de la CAFDA souhaitent, à l’occasion de la journée des réfugiés vous applaudir pour votre indéfectible courage et mettre à l’honneur votre admirable optimisme.
Aurélie El Hassak-Marzorati, Directrice générale du CASP