Estelle, bénévole écrivain, qui a recueilli les témoignages des hébergés du CASP

Estelle - Bénévole écrivain

Dessiner des portraits avec des mots pour donner des visages au silence 

Souvent, lorsque je suis dans la rue, le métro, je regarde les visages autour de moi et m’interroge : à quoi pense cette femme au regard indéfinissable ? Où va-t-elle ? Pourquoi semble-t-elle si pressée ? Quel est son meilleur souvenir ? Le pire ? Son dernier fou rire ? Et d’où vient cet homme endormi ? Quels sont les pas qui, l’un après l’autre, l’ont mené sur ce banc ? À quoi songe-t-il quand le sommeil le prend ? Quand le sommeil le fuit ? Mes yeux et mon imagination vagabondent, mais je n’ose pas aller leur parler. 

Grâce au CASP, je rencontre des personnes qui acceptent de livrer un pan de ce qui leur est arrivé. Leurs paroles retentissent, brisent silence et préjugés. Il suffit de croiser un regard, d’écouter une histoire, pour réaliser que l’on aurait pu être de leur côté, à raconter à un ou une inconnue ces moments décisifs où l’on a pris à droite plutôt qu’à gauche, sans savoir ce qui nous attendait. Car il a parfois suffi d’un grain de sable minuscule pour que tout bascule, et qu’une vie jusque là plutôt classique dans sa banalité – une adresse, un travail, une certaine stabilité – soit renversée. 

J’aime écrire, et je voudrais trouver les mots justes pour faire résonner les voix de ces hommes, de ces femmes. Ils ont tant à nous dire. Eux qui ont pris le temps de nous confier blessures et projets, encouragements et regrets, grands et petits événements, peut-être que l’on peut prendre, à notre tour, le temps de les écouter. Pour ma part, je sais que, désormais, je regarde autrement les visages que je suis amenée à croiser.

Les voix du CASP